Toutes les fonctions de direction réclament de savoir gérer, manager, arbitrer et prendre des décisions. Toutefois, celle de directeur d’EPHAD est sans doute plus complexe que d’autres tant elle implique d’être confronté à des défis et contradictions de taille.
Alors, quelles sont ces contradictions et spécificités ? Faisons un petit état de celles qui, après 20 ans d’expérience dans le secteur, m’ont paru les plus évidentes.
Contradiction N°1 : Valeurs humaines vs rigueur
Le métier de Directeur d’EPHAD est éminemment humain puisqu’il s’agit d’accompagner des personnes fragilisées dans une étape cruciale de leur vie et de contribuer à leur bien-être. On y côtoie la vie, la maladie et, bien sûr, la mort. Il est donc évident que posséder des valeurs humaines fortes est essentiel à la réussite de cette mission. Cependant, ce métier réclame également de travailler dans un cadre rigoureux, rationnel et de respecter les procédures. Les Directeurs d’EPHAD doivent donc savoir naviguer entre la chaleur nécessaire à une approche humaine et le rigorisme induit par les impératifs réglementaires et managériaux.
Contradiction N° 2 : la difficulté d’identifier et satisfaire les clients
Un directeur d’EPHAD travaille en premier lieu pour ses résidents. Il doit mettre en œuvre les moyens nécessaires à la satisfaction de leurs attentes en matière de soins, d’hébergement et de bien-être. Or, bien souvent, ce ne sont pas les résidents qui expriment ces attentes ou même leur niveau de satisfaction. Dans la plupart des cas, ils n’ont pas décidé d’eux-mêmes d’être placés dans un établissement. Ce sont les parents, les proches qui prennent la décision de les confier à un EPHAD. Et leurs exigences, si elles sont toujours respectables, sont parfois différentes de celles des résidents. Pourquoi ? Entre autres, parce qu’elles sont alimentées de sentiments et d’émotions légitimes telles que la crainte, le doute, la culpabilité. Les familles attendent donc d’être rassurées, confortées dans leur décision. La notion de client est donc plus floue et plus difficilement appréhendable que dans la plupart des secteurs d’activité. Et le directeur d’EPHAD doit déployer des ressources importantes en matière de médiation pour satisfaire toutes les parties.
Contradiction N°3 : Un métier qui a du sens mais une mauvaise image
Les Directeurs d’EPHAD et leurs équipes vous le diront : ils ont la satisfaction d’exercer un métier qui a du sens. Un métier humainement enrichissant car utile et fort en émotions. Un métier qui, chaque jour, leur permet d’être récompensés de leurs efforts à travers les mots de remerciements ou les simples sourires des résidents.
Cependant, l’image publique et médiatique contre-carre ce vécu positif. Chaque affaire de maltraitance, exploitée à foison par les médias, explose aux visages de tous les acteurs du secteur et, principalement à ceux des Directeurs d’EPHAD. En faisant de chaque cas particulier une généralité, un mythe alimenté de clichés s’est développé et l’image du secteur s’en est trouvée ternie. Le directeur d’EPHAD doit donc apprendre à se sentir intérieurement valorisé mais publiquement, parfois, décrié.
Faire face à ces contradictions est un défi qui permet de révéler, chez la plupart des directeurs d’EPHAD, des qualités et compétences particulières : la capacité à s’adapter, à gérer le quotidien tout en maintenant le cap de la stratégie, à constamment réduire les écarts entre les attentes, parfois contradictoires, des parties prenantes, à continuer à s’émouvoir tout en gardant la distance nécessaire à une gestion saine. Un supplément d’âme en quelque sorte qui fait, selon moi, de ce métier un métier noble et passionnant.